LE COLOMBIER DU GRAND BEAUCOUDRAY

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LE COLOMBIER DU GRAND BEAUCOUDRAY

Le pigeonnier ou colombier du Grand Beaucoudray que l’on voit au bord de la Malfiance avant de prendre le pont qui rejoint la Brasardière est un des monuments de Saussey intéressant a plus d’un titre.

Il est le dernier témoin en bon état de l’ancien manoir de Beaucoudray aujourd’hui disparu. Il n’en subsiste qu’un pan de mur enfoui sous le lierre à côté d’un bâtiment d’exploitation construit et agrandi de 1812 à 1925 sur la base d’une construction plus ancienne figurant comme le manoir et le colombier sur le cadastre de 1808. La maison d’habitation en bordure de la route menant au GAEC des Buttes est de construction plus récente.

L’ensemble des bâtiments et des terres adjacentes appartient depuis la fin du XIXe siècle à la famille Legraverend.

Historique

Sous l’Ancien Régime la possession d’un colombier ou pigeonnier était un privilège réservé à la noblesse.Les nobles avaient seuls le droit de bâtir des colombiers dits à pied c’est à dire ronds, séparés du corps de logis, ayant des boulins (nids) de haut en bas; on parle du droit de colombage.

La dimension du colombier était en relation avec l’importance du fief sans qu’il existe de règle précise.

Les particuliers nobles ou non ne possédant ni fief ni censive ne pouvaient avoir de colombiers autres que sur solives, piliers etc… d’une contenance maximum de 500 boulins et sous réserve d’avoir en domaine au moins 50 arpents (environ 50 hectares) de terre labourable. C’est le cas par exemple de celui du manoir d’Argences.

Au Moyen-Age Beaucoudray dépendait de la grande seigneurie de Savigny et appartenait a la famille de Brucourt. Celle-ci  possédait  environ les deux tiers de la commune actuelle de Saussey et c’est à partir du XVIe siècle que l’on va donner le nom de Beaucoudray à la partie de  Saussey qui dépendait de Savigny.  C’est à cette époque qu’Olivier Lemaître de Savigny vend  le fief de Beaucoudray à Jean de Drosey qui, annobli en 1544, devient seigneur de Saussey.

Cette date est importante car elle nous permet de dater vraisemblablement la construction de notre pigeonnier de la seconde moitié du XVIe siècle.

On peut en effet penser que Jean de Drosey nouvellement anobli embellit son domaine. Il fait construire un colombier rond dont la possession est à l’époque un privilège de la noblesse.

Les 1200 boulins du colombier permettent d’estimer que sa propriété s’étendait sur environ 600 hectares.

La fille de Jean de Drosey, Renée, épouse en 1625 Adrien Belin. Faute de postérité c’est son neveu, un autre Adrien Belin, qui hérite du domaine qui demeurera dans cette famille jusqu’à la Révolution.

Le pigeonnier de Beaucoudray subsiste à peu près tel qu’il était à cette époque à l’exception de deux ouvertures réalisées à l’époque moderne.

Architecture

Le pigeonnier de Beaucoudray est de grande taille. C’est une construction en grès du pays avec un apport peu important de pierre de Montmartin. Sa circonférence est de 28,50 m, la hauteur de murs est de 6,50 m pour une largeur de 1,20 m boulins compris. La hauteur totale du bâtiment s’élève à environ 8,50 m. Son diamètre intérieur, 6,75 m permet de relever une superficie de 36 m2. Deux balcons font le tour du des boulins permettant aux pigeons de se poser hors de leurs alvéoles .

Il est l’un des très rares pigeonniers de la région et même de France à avoir  conservé depuis sa construction une couverture végétale en chaume ou glui, aujourd’hui remplacée par du jonc d’Angers.

On y pénétrait par une petite porte arrondie de faible hauteur, murée de nos jours, orientée à l’ouest. La charpente est à la fois très belle et d’une grande simplicité.

L’intérieur mérite une attention particulière : les boulins, au nombre de 1 200 environ, sont construits en pierre de Caen ou d’Yvetot lui donnant un aspect très clair du meilleur effet.

Le toit en chaume ne comportant aucune lucarne, l’édifice n’était éclairé à l’intérieur que par les quelques ouvertures orientées à l’ouest situées au-dessus des boulins. Les boulins sont de grande dimension : 50 cm de profondeur , 30 cm de largeur et 20 cm de hauteur.

Le système d’échelles permettant l’exploitation et l’entretien des boulins a malheureusement disparu.

Lorsque l’on sait que chaque boulin était occupé par deux pigeons qui donnaient naissance en moyenne 5 fois par an de mars à septembre à 2 deux pigeonneaux on imagine aisément l’animation intérieure et extérieure du pigeonnier. 4 800 pigeons pouvaient vivre à Beaucoudray !

Hier et aujourd’hui

La fonction des colombiers sous l’Ancien Régime était triple : alimentaire d’abord en un temps ou la consommation de viande était rare, agricole ensuite puisque la colombine, fiente des pigeons, était très recherchée comme engrais, financière enfin car tout cela procurait à ses propriétaires un complément de revenus.

Les pigeons sont voraces et se nourrissent essentiellement de grains. Le privilège de colombier  limitait ce risque. A partir du XVIIe siécle la division des fiefs et la multiplication des anoblissements ont indéniablement eu un effet pervers. On dénombre ainsi à cette époque plus de 42000 colombiers en France.

Les règlements limitant le nombre de pigeons ne sont plus respectés. A la Révolution les cahiers de doléances demandent presque partout, y compris à Saussey où il y a au moins quatre colombiers (Beaucoudray, Le Plessis, le Manoir et Argences), la suppression du privilège de colombier. Elle sera obtenue la nuit du 4 août 1789.

Les grands colombiers détournés de leur objet principal ne sont pas pour autant tous détruits, loin s’en faut. Beaucoup subsistent encore et font partie de ce que l’on appelle aujourd’hui le petit patrimoine faisant le charme de nos communes.


Un grand merci à Thierry Legraverend qui nous a ouvert le colombier familial et à monsieur Pierre Perrotte dont l’érudition a une fois encore été mise à forte contribution.